INVENTAIRE / BADISCHE ZEITUNG / 12.3.2022

BADISCHE ZEITUNG, 11 février 2022 (traduction)

La Compagnie La Petite x présente « INVENTAIRE » à Fribourg

Par Marion Klötzer

Frères, clowns, rivaux, araignées, ballerins ou héros - les danseurs Kai Brügge et Frédéric Werlé combinent toutes ces figures au Südufer de Fribourg. Leur pièce de danse multimédia s’intitule "Inventaire".

"Inventaire" est le titre de la pièce de danse multimédia de la toute nouvelle compagnie La Petite x. La représentation au Südufer a vu le jour grâce à la coopération transfrontalière du E-Werk Freiburg avec le centre culturel alsacien Art'Rhena. Il s'agit de la première production de Claire Pastier et Daniel Rakovsky (concept, chorégraphie, direction artistique) soutenue par la ville et la région- les amateurs de danse ne devraient pas la manquer !

Sur le bord de la scène baignée d'une lumière dorée (scénographie : Lucie Euzet) sont éparpillés quelques meubles anciens. Au centre, trois oranges posées dans une coupe scintillent comme un feu de camp.

Pendant plusieurs minutes, ils sont là, côte à côte, immobiles : deux hommes chauves, habillés à l'identique. L'un jeune, l'autre plus âgé. Très lentement, leurs têtes se balancent l'une vers l'autre sur un fond sonore de chants de baleines dissonant (musique : Joel Beierer). Puis elles prennent de la vitesse comme des bateaux amarrés par temps de houle, avant de de s’écraser sur le ventre de l’autre. Un changement rapide de lumière, et les deux danseurs s'inclinent avec enthousiasme comme pour effectuer déjà le salut final, mêlant ainsi l’étrange au comique.

Des images fortes, des ruptures nettes, une superbe dramaturgie de la lumière (Steffen Melch) et une histoire surréaliste et mystérieuse, entre mélancolie du souvenir et jeu enfantin et sauvage – le tout dans une belle maîtrise de l’arc dramaturgique. Le lieu du récit est une maison abandonnée : un film montre à l'écran des fragments de pièces de vie en noir et blanc, des meubles, des escaliers, des portes. Tel un animal étrange, Kai Brügge glisse à terre, va au contact du sol par les joues et les genoux. Les fesses s'élèvent à pic dans les airs, les jambes s'agitent, se balancent en équilibre inversé sur les mains. De l'art à l'état pur. Puis, le vigoureux Frédéric Werlé virevolte sur scène entre sauts de ballet classique et pirouettes gracieuses. Son compagnon, en attendant, mange une orange au bord de la scène - installé dans un fauteuil style Voltaire à côté duquel est posée une lampe sur pied.

Ce sont comme les éclats d'un kaléidoscope - les images et les scènes qui se déploient contiennent une grande puissance associative. Ici les deux danseurs se comportent comme des garçons prépubères, le torse nu et gribouillé au feutre, là ils errent dans un labyrinthe de portes fictives, y frappant avec insistance au rythme des claquements introduits par le paysage sonore.

Fauteuils, tables, lampes sont montés et démontés à un rythme de plus en plus effréné pour former des îlots d'habitation. Sur le film projeté, les deux hommes rampent et grimpent à travers une maison : où est la sortie ? La montagne de meubles se transforme finalement en bateau à voile lumineux, les deux danseurs hurlent "Purple Rain" comme des stars du rock, pour enfin jeter leurs dernières forces dans un duo endiablé, dansé sur la symphonie n° 9 d'Antonín Dvorák, quatrième mouvement. Poétique, drôle, décalé - et superbement dansé.